Lucette ... de la ligne des 22

Il était une fois un coin de main courante, sur la ligne des vingt-deux, où sur un tee du moyen-âge érigé du talon -à l'ancienne- un ballon posé fièrement attendait d'être regardé pour s'envoler droit aux buts. A cet endroit du terrain, les regards étaient si fervents -quasiment devins- que la trajectoire suivie par le morceau de cuir ne manquait jamais sa cible ou rarement, comme guidée par une puissance surnaturelle. Il est des yeux qui non seulement transforme la réalité d'un essai mais vous bouscule encore plus dans vos choix d'homme. Un regard maternel, d'une générosité dense qui n'attend rien de demain mais qui panse, qui vous dévisage l'âme comme on dévore l'abîme, le souffle cru, le verbe franc, sans demie mesure, loin des racolages, jamais lâche, toujours tendu vers l'autre rivage, vers le coup d'après, le coeur prêt à tous les naufrages. Lorsqu'à mon tour, je me suis retrouvé de l'autre côté de la talenquère, au rendez-vous de ses combats emmêlés, c'est moi qui me suis mis à la supporter, à l'encourager de tout mon être, à envier son île et ses courses en forêt, son havre au sommet d'un cingle où elle avait choisi d'habiter : une île aux « Christian d'or », où j'ai souvent fait escale, moi le marin des mers de solitude. On revient toujours à son port d'attache : le bol d'air qu'on y reçoit, le bonheur d'être toujours attendu est un cadeau du ciel sans nul autre pareil qui me fera tenir encore... au coin de la ligne des vingt deux, à deux pas de ses mains uniques et de la vie sans elle à transformer.