Devenir fleur

Quand, comme elle, on a vu ce qu'il y avait à voir et qu'on a été aussi bien lotie en se rinçant les mirettes du haut de son tertre de Marty -entre nous soit dit, elle aurait eu tort de s'en priver et d'aller courir ailleurs ce qui, aux premières loges d'un promontoire fait sur mesure, lui était offert pour ses beaux yeux- on peut se demander comment on se résout à continuer le chemin comme si de rien n'était.

Eh bien, on s'incline simplement et on ferme les yeux en prenant soin de le faire sur le seuil de sa porte pendant que le temps s'épuise et qu'au bout des plages les sirènes regagnent l'horizon. Effaçant l'écrin de beauté du crépuscule dans le voile de brume irrémédiablement plus épais d'une cataracte poussive. S'il y en a qui parlent aux oiseaux, elle, à force de cultiver son jardin et de l'embellir de souriants printemps, même hors-saison, à force de s'embaumer d'arômes aux étoiles de menthe et de s'empourprer d'émois, sur tous les tons, de ce rouge qui l'entoure assortis à son coeur, elle s'est aussi mise à fleurir sous l'appentis, comme ses soeurs à pétale jumelles.

À rivaliser de douceur avec chacune et de beauté en toute loyauté. Au point que c'est le ciel désormais qui se penche sur celle qui se confond avec toutes les autres, en bouture ou écloses en jardinière. Il le fait même dans son dos sans qu'elle ne se réveille. Il est là, disposé à s'enquérir du moindre besoin. Elle rit plutôt flattée. Lui s'émerveille à chaque reprise. À chaque pose. À chaque geste. À chaque dire, il s'imprègne à nouveau d'elle. À la lumière du jour qui renait, il en découvre d'autres, pareilles. Unique. Il s'en inspire comme un pinceau épris d'une source contemplée qui jamais ne tarit.

2017